SCULPTURES
Florent Simon, écrivain, au sujet d'Amanda Bard (2021) :
Il y a cette femme qui parle à ses sculptures. Alors qu’elle les invente, elle leur parle.
Elle dit que la parole surgit d’elle-même, qu’elle la laisse arriver, qu’elle la submerge.
Elle n’est même pas certaine qu’il s’agisse de mots et de phrases. Un chant peut-être.
Elle leur raconte les mondes à venir, tous ceux qui n’existent pas encore et qui n’existeront probablement jamais.
Elle dit que c’est ce chant qui les sculpte, qu’il en fait des témoins de mondes possibles.
S’inscrivent en eux des réalités insoupçonnées qu’ils portent comme des secrets à dévoiler.
Il faudrait les penser comme des photos, des souvenirs de moments arrachés à d’autres univers.
Figures arrêtées, ombres capturées entre les mains de cette femme et fixées en la matière.
Comme une collection d’entrevues, de percées donnant sur ces univers éloignés.
Il faudrait ne rien projeter sur elles, les laisser se découvrir.
Elles ont le visage rentré en elles-mêmes, le regard tourné vers l’intérieur. Contemplent leur origine.
Elles ne savent pas qu’elles sont ici, que des êtres peuvent les considérer depuis une réalité qui leur est complètement étrangère.
Amanda dit que si on observe attentivement ses statues, des bribes de chant nous parviennent, des images aussi, morceaux à la dérive de mondes rêvés.
Visions de ciels blancs striés d'or, de pierres suspendues, de terre ocre, d’orages silencieux et de soleils noirs.
Brefs aperçus d’espaces infiniment clos et de verticales lumineuses, d’éternelles suppliques et de lents écoulements.